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un indépendantiste écrit

PAS DE BLÂME POUR ANNE-MARIE DUSSAULT MAIS ELLE EN MÉRITAIT UN

Pas de blâme pour Anne-Marie Dussault mais elle en méritait un

 

Je ne suis pas d'accord avec la conclusion de Guy Gendron sur Anne-Marie Dussault et voici pourquoi.  

 

La conclusion de Guy Gendron est que l'entrevue d'Anne-Marie Dussault respecte les Normes de l'information de Radio-Canada. Je ne crois pas qu'en démissionnant Bernard Drainvile a choisi son bonheur personnel au lieu de l'intérêt public. C'est un raccourci polémique qui ne tient pas compte de la complexité de la réalité, ni de la carrière politique de Bernard Drainville, ni de son évolution personnelle, ni de la conjoncture politique créée par le départ de Pierre-Karl Péladeau. Je dirais même me rapprochant du langage parlé que "c'est cheap". Je poserais un petite question pour semer le doute aux Ti-Jos connaissants de 24/60 : que savez-vous de l'état de santé de Bernard Drainville? Peut-être que cet ancien homme politique a plus de pudeur qu'on ne le pense.

 

Après avoir lu les justifications de Guy Gendron, je soutiens toujours et avec encore plus de persistance que l'entrevue d'Anne-Marie Dussault avait deux caractéristiques évidentes que j'ai prouvées: la malveillance et le dénigrement. La justification de : "qu'il se percevait peut-être, je le dis entre guillements, comme raciste" est tirée par les cheveux et ne s'excuse nullement par les notions d'entrevue à chaud de quelqu'un qui improviserait ses questions en cherchant ses mots. Les biais idéologiques de 24/60 (et de l'émission Enquête) sur la laïcité et l'aveuglement volontaire sur l'intégrisme islamique nuisent à la qualité de l'information.

 

J'ai lu avec la plus grande attention la révision de Guy Gendron. Elle ne m'a pas convaincue. A cause de mon appui à la Charte des valeurs et à cause de mon engagement indépendantiste, il me reproche subtilement mon manque d'impartialité. Il souligne le millier de textes que j'ai publiés sur la Tribune libre de Vigile qui serait "un site indépendantiste". (Peut-être ne sait-il pas que tous ces textes ont été enlevés des Archives de Vigile par Richard Le Hir-Erreur 404.)  

 

Guy Gendron s'est comporté comme l'avocat d'Anne-Marie Dussault plutôt que le juge objectif de ses manquements à l'équité, à l'ouverture d'esprit et au respect. A Radio-Canada, on a de la difficulté à blâmer une vedette de 24/60. On réussit à peine à faire une chose: sauver la face. Peu importe, Anne-Marie Dussault a lu ma plainte et elle sait que j'ai raison. Est-ce qu'elle en tirera une leçon? J'ai des doutes. Par rapport à tout ce qui touche à la Charte des valeurs et à Bernard Drainville, les seules attitudes dont elle soit capable, c'est de la malveillance et  du dénigrement. En lisant la révision de Guy Gendron, vous avez deux points de vue: celui de l'ombudsman de Radio-Canada et le mien.  A vous de choisir. Anne-Marie Dussault a-t-elle dénigré Bernard Drainville? Oui, sans aucun doute. 

 

En complément, j'aimerais commenter un long passage de la révision.  Guy Gendron écrit:  

 

"Par ailleurs, la forme de journalisme que pratique l’animatrice Anne-Marie Dussault, soit l’entrevue à chaud (en anglais, on parle du hot seat) se prête régulièrement à des reproches des auditeurs ou téléspectateurs qui estiment qu'on fait ainsi preuve de partialité par des questions trop pointues ou insistantes. Plusieurs autres journalistes ou animateurs menant le même type d’entrevues font aussi souvent l’objet de plaintes de ce genre. Cela est d’autant plus vrai lorsque la société est déchirée par des conflits aigus. Les épisodes du printemps érable et de la charte des valeurs en sont de bons exemples. Un même intervieweur peut un jour être accusé de partialité en faveur d’un camp, puis le lendemain de prendre parti pour le camp adverse, après s’être fait l’avocat du diable face à ses invités.

 

Il est cependant essentiel de rappeler que même dans un contexte polarisé – je serais même porté à dire surtout dans un contexte polarisé – ce n’est pas le rôle des journalistes ou animateurs de faire preuve de complaisance et de mettre leurs invités en valeur, particulièrement lorsqu’ils sont des acteurs politiques participant à cette polarisation. Les médias doivent plutôt leur demander de rendre des comptes, de justifier leurs actes et leurs paroles et, s’il le faut, de manière vigoureuse. (fin de la citation)

 

Il s'agit de se demander si l'auditeur et son droit à une information de qualité est bien servi par "la forme de journalisme que pratique l’animatrice Anne-Marie Dussault". Son agressivité est sélective et à géométrie variable. Dans le cas qui nous occupe, la personne qui est traitée d'égoïste raciste qui fait passer son bohneur personnel avant l'intérêt public n'est pas là en personne pour se défendre. C'est d'autant plus "cheap" de l'attaquer ainsi et de faire son procès in absentia. C'est une forme de lâcheté méprisable qui semble échapper à Guy Gendron. Entre mettre les invités en valeur (Alexandre Cloutier) et se servir d'une entrevue pour dénigrer un absent, il y a une grosse différence.

 

Bernard Drainville n'était pas là pour "rendre des comptes" et "justifier ses actes". Peut-être que Bernard Drainville avait été invité et qu'il a refusé l'invitation. Cela sert de justification à Anne-Marie Dussault pour être hargneuse. Comme cela a suscité la hargne contre PKP de Guy A Lepage à TLMEP parce que PKP avait refusé ses invitations répétées.      

 

Se pose enfin la question suivante: est-ce que l'ombudsman de Radio-Canada est là pour défendre les auditeurs et leur droit à l'information ou bien est-il là pour justifier tous les comportements des journalistes de Radio-Canada? A titre de comparaison, a contrario, je citerais deux exemples d'entrevues excellentes avec Jean-François Lisée: celle avec Emmanuelle Latraverse aux Coulisses du pouvoir et l'entrevue avec Patrice Roy au télé-journal de lundi 17 octobre 2016.

 

Questions ou dénigrement? (24/60)

RÉVISION DE GUY GENDRON, OMBUDSMAN | SERVICES FRANÇAIS

Le mardi 18 oct. 2016

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Révision par l’ombudsman de Radio-Canada d’une plainte concernant les propos tenus par l’animatrice Anne-Marie Dussault à l’endroit de Bernard Drainville lors de son entrevue avec le député du Parti québécois Alexandre Cloutier, le 14 juin 2016 à l’émission 24/60, présentée sur ICI RDI.

LA PLAINTE

Le 29 août 2016, M. Robert Barberis porte plainte contre l’animatrice de l’émission 24/60, Mme Anne-Marie Dussault, à qui il reproche d’avoir fait preuve de malveillance et de dénigrement à l’endroit du député du Parti québécois Bernard Drainville, lors d’une entrevue avec un autre député de cette formation politique, M. Alexandre Cloutier. Cette entrevue avec celui qui était alors vu comme le favori dans la course à la direction du Parti québécois faisait suite à la démission surprise, plus tôt dans la journée, du député de Marie-Victorin, M. Bernard Drainville, qui mettait ainsi un terme à près d’une décennie de politique active.

Le plaignant estime que le contenu des questions posées par Anne-Marie Dussault (qu’il a d’ailleurs pris la peine de retranscrire une à une) ne respecte pas les valeurs contenues dans les Normes et pratiques journalistiques (NPJ) de Radio-Canada, en particulier celles de l’impartialité et de l’équité. À son avis, l’animatrice a fait preuve d’un « parti pris négatif et hostile » envers Bernard Drainville et elle a manqué de respect pour son « cheminement personnel ». M. Barberis en voit la manifestation dans l’utilisation de l’expression « la charte à Drainville » et du mot « raciste » dans l’une des questions posées par Anne-Marie Dussault. Le plaignant, qui affirme appuyer la charte des valeurs qu’avait défendue Bernard Drainville, considère avoir ainsi été traité de raciste « à travers Bernard Drainville ».

En ce qui concerne la décision de ce dernier de quitter la politique, M. Barberis juge que les questions de l’animatrice ont présenté M. Drainville comme un être « égoïste qui ne pense qu’à lui en se retirant, qui encourage le cynisme, qui se contredit en quittant, qui ne respecte pas l’intérêt public… », autant de jugements qui, à son avis, ne sont pas conformes à l’ouverture et au respect que préconisent les NPJ.

LA RÉPONSE DE LA DIRECTION DE L’INFORMATION

Le 3 octobre 2016, Mme Micheline Dahlander a répondu à la plainte au nom de la direction de Radio-Canada. Elle a d’abord tenu à situer l’entrevue avec Alexandre Cloutier dans son contexte :

« L’une des vedettes du Parti québécois annonce qu’il quitte son poste de député en plein mandat pour animer une émission de radio. Bernard Drainville était le leader parlementaire du Parti québécois, donc le bras droit du chef démissionnaire Pierre Karl Péladeau. En conférence de presse, il explique ne plus avoir la même ardeur : "Quand tu as l’impression que ton réservoir se vide plus vite qu’il ne se remplit, il est temps que tu partes. Il ne faut pas que tu attendes que la tank soit vide, là. Puis, là, franchement, je suis un petit peu à risque de ça." Il admet que le départ du chef Pierre Karl Péladeau a pesé dans la balance : "Quand il est parti, qu’est-ce que tu veux, tu ne peux pas penser que tu vas recréer la même chimie avec quelqu’un d’autre…" Il croit qu’il pourra ainsi mieux faire avancer ses idées : "Oui, j’aime ça quand ça brasse, parce que je pense que c’est la meilleure façon de faire avancer des idées. Mais franchement, je ne suis pas sûr que ce type de politique soit dans l’air du temps. Et c’est bien correct de même. Puis avoir des coups de gueule, aussi bien les avoir à la radio. J’aurai une grande liberté. Je pourrai m’exprimer sur tous les sujets sans craindre de mettre mon parti dans le trouble." M. Drainville est le troisième ténor du Parti québécois à jeter l’éponge en quelques mois. Sous le gouvernement Marois, il avait porté le projet de charte des valeurs. Il avait aussi critiqué les députés qui démissionnent avant la fin de leur mandat et milité pour l’abolition de leur indemnité de départ en soutenant que : "Un élu qui choisit de son plein gré de démissionner en cours de mandat ne respecte pas le contrat moral qu’il a pris avec ses électeurs."

Pendant l’entrevue, Anne-Marie Dussault a donc cherché à savoir si le départ de Bernard Drainville était un coup dur pour le Parti québécois, s’il s’agissait d’une sorte de désaveu du futur chef et si ce départ pouvait avoir un lien avec leur divergence d’opinions sur la charte des valeurs, un projet vivement critiqué. Elle lui a aussi demandé comment interpréter les départs récents de trois vedettes du Parti québécois et s’il fallait en comprendre que le Parti québécois est à la dérive. »

La réponse de Radio-Canada reprend elle aussi les différentes questions posées par Anne-Marie Dussault (et sur lesquelles je reviendrai plus tard), dont celle qui a particulièrement choqué le plaignant, car elle contient les mots « charte à Drainville » et « raciste ». En voici la transcription :

« Mais M. Cloutier, il reste une chose, c’est que le dernier leadership a comme consacré vos divergences sur ce que plusieurs ont appelé la "charte à Drainville". Et lui, à certains moments, il se percevait comme peut-être même… je le dis entre guillemets, mais c’est peut-être ce qu’il pense, un raciste. Il s’est présenté comme un homme vidé. Est-ce que vos divergences n’annonçaient pas de futures divergences? Parce qu’il a dit : "J’aurais mis mon parti à risque si je restais." Il voulait avoir une liberté de parole. Au fond, c’est pas réglé pour le Québec, les questions de laïcité, puis c’est pas réglé au PQ non plus. »

La réponse de Radio-Canada explique ainsi le choix de ces mots :

« Dans le préambule à cette question, lorsque Mme Dussault dit "qu’il se percevait peut-être comme un raciste", elle n’accuse nullement le député d’être intolérant envers la différence. Elle fait plutôt référence à la manière dont Bernard Drainville s’est peut-être perçu dans les yeux de certains critiques qui dénonçaient la charte des valeurs. Dans une entrevue où les questions sont formulées de manière spontanée, il peut arriver que les mots choisis pour exprimer une idée ne soient pas toujours des plus heureux. M. Cloutier a réagi en précisant que "juste sur la question du racisme, s’il y a quelqu’un qui n’est pas raciste, c’est certainement Bernard Drainville" et a rappelé qu’il y avait une divergence de point de vue entre lui et M. Drainville sur la charte des valeurs : "Maintenant, sur la question de la charte et la question des congédiements, c’est sûr que sur cet enjeu précis là, il y a eu une divergence d’opinion entre lui et moi." Mais selon lui, cette divergence n’aurait pas eu d’incidence sur la décision de M. Drainville de quitter son poste. »

Pour ce qui est du reste de l’entrevue, la direction de l’Information de Radio-Canada estime que « l’animatrice Anne-Marie Dussault formule des questions légitimes, d’intérêt public et sans parti pris. Le ton est convivial et respectueux. L’entretien, mené dans les règles de l’art, permet de mieux comprendre comment le favori à la direction du Parti québécois perçoit le départ d’un autre ténor du parti ».

LA DEMANDE DE RÉVISION

Insatisfait de cette réponse qui, reconnaît-il, « n’est pas sans mérite », M. Barberis m’a écrit le 3 octobre 2016 pour me demander de la réviser. D’autant plus, soutient-il, « que ce n’est pas la première fois qu’Anne-Marie Dussault se montre agressive et biaisée contre la charte des valeurs et son porte-parole Bernard Drainville ».

Il ajoute que « ce qui est contesté ici, ce sont l’ensemble des questions posées par Anne-Marie Dussault et le portrait de Bernard Drainville qui s’en dégage. Je soutiens que ce portrait est extrêmement négatif et qu’il ne respecte pas les valeurs d’ouverture et de respect que Radio-Canada prétend appliquer ».

M. Barberis estime qu’il est « inadmissible que Bernard Drainville soit présenté comme un raciste égoïste qui ne pense qu’à lui en se retirant, qui encourage le cynisme, qui se contredit en quittant (la politique) et qui ne respecte pas l’intérêt public ».

Il rejette l’explication de la direction de l’Information en ce qui concerne l’utilisation du mot « raciste », voulant qu’Anne-Marie Dussault ait alors fait référence « à la manière dont Bernard Drainville s’est peut-être perçu dans les yeux de certains critiques qui dénonçaient la charte des valeurs ». Au dire du plaignant, « comme embrouille tortillée, on ne saurait mieux faire ». Selon lui, l’animatrice a plutôt fait « un amalgame entre trois éléments : charte des valeurs, Drainville et raciste », ce qui est, dit-il, faux, malveillant et contraire aux normes de Radio-Canada.

Enfin, il déplore une autre question posée par Anne-Marie Dussault, concernant la décision de Bernard Drainville de quitter son siège de député à mi-mandat. Je reproduis ici cette question :

« Sur le fait de quitter à mi-mandat, il ne voulait pas répéter ce qu’il a dit en 2012-2013. Bien sûr, il n’a pas d’indemnité de départ. Au moment où au PQ, vous cherchez un chef, son départ va enclencher une autre élection partielle. Une autre élection partielle, ça coûte 500 000 $. Qu’est-ce que ça dit en termes de message sur le cynisme? Est-ce que ça ne vient pas confirmer encore une fois que, parfois, on choisit son bonheur à soi plutôt que l’intérêt public? »

Selon le plaignant, « ce n’est pas à Anne-Marie Dussault de juger que par sa démission, (Bernard) Drainville a trahi l’intérêt public et a plutôt choisi son bonheur à soi ». Il soutient que la lutte de Bernard Drainville, à laquelle faisait référence l’animatrice, ne portait que sur l’abolition des primes de départ. « Il ne s’opposait pas à qu’un député quitte la politique pour des raisons de santé, des raisons de famille ou des raisons personnelles », dit-il.

LA RÉVISION

Introduction

Ce n’est pas la première fois que M. Barberis porte plainte contre l’animatrice Anne-Marie Dussault. Mon prédécesseur, Pierre Tourangeau, s’est prononcé à deux occasions, en novembre 2013 et en février 2014, sur des plaintes semblables. La première à la suite d’une entrevue avec Bernard Drainville, alors ministre responsable des Institutions démocratiques et de la Participation citoyenne; la seconde, au sujet d’une entrevue avec Pierre Duchesne, ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche, de la Science et de la Technologie du Québec. M. Barberis s’est présenté dans sa correspondance avec l’ombudsman comme un militant indépendantiste engagé. Il affirme d’ailleurs avoir écrit plus d’un millier de textes d’opinion sur la tribune libre du site Vigile.net qui fait la promotion de l’indépendance du Québec. Comme le mentionnait Pierre Tourangeau en 2014, cette implication citoyenne est « absolument légitime et louable », mais elle indique aussi que « le plaignant défend à l’évidence un point de vue particulier ».

Par ailleurs, la forme de journalisme que pratique l’animatrice Anne-Marie Dussault, soit l’entrevue à chaud (en anglais, on parle du hot seat) se prête régulièrement à des reproches des auditeurs ou téléspectateurs qui estiment qu'on fait ainsi preuve de partialité par des questions trop pointues ou insistantes. Plusieurs autres journalistes ou animateurs menant le même type d’entrevues font aussi souvent l’objet de plaintes de ce genre. Cela est d’autant plus vrai lorsque la société est déchirée par des conflits aigus. Les épisodes du printemps érable et de la charte des valeurs en sont de bons exemples. Un même intervieweur peut un jour être accusé de partialité en faveur d’un camp, puis le lendemain de prendre parti pour le camp adverse, après s’être fait l’avocat du diable face à ses invités.

Il est cependant essentiel de rappeler que même dans un contexte polarisé – je serais même porté à dire surtout dans un contexte polarisé – ce n’est pas le rôle des journalistes ou animateurs de faire preuve de complaisance et de mettre leurs invités en valeur, particulièrement lorsqu’ils sont des acteurs politiques participant à cette polarisation. Les médias doivent plutôt leur demander de rendre des comptes, de justifier leurs actes et leurs paroles et, s’il le faut, de manière vigoureuse.

Les valeurs en cause

La plainte de M. Barberis invoque essentiellement deux valeurs contenues dans les NPJ qui doivent orienter le travail des artisans de l’Information de Radio-Canada. D’abord, celle de l’impartialité :

« Notre jugement professionnel se fonde sur des faits et sur l'expertise. Nous ne défendons pas un point de vue particulier dans les questions qui font l'objet d'un débat public. »

Ensuite, celle de l’équité :

« Au cours de la collecte d'information et dans nos reportages, nous traitons les personnes et les organismes avec ouverture et respect. Nous sommes conscients de leurs droits. Nous les traitons sans parti pris. »

L’étude du grief

J’ai écouté avec attention l’entrevue avec le député Alexandre Cloutier du 14 juin 2016. Rappelons-le, à cette époque pas si lointaine, il était considéré par l’ensemble des observateurs comme le prochain chef du Parti québécois. C’est donc à ce titre que M. Cloutier était invité par Anne-Marie Dussault à commenter la démission soudaine de Bernard Drainville survenue plus tôt en journée.

D’entrée de jeu, le ton général de l’entrevue me semble plutôt élogieux envers Bernard Drainville que l’on présente comme « une star » dont le départ est « un coup dur pour le PQ ». Anne-Marie Dussault fait aussi montre d’empathie à son endroit, évoquant les différends au sein du parti sur la question de la charte des valeurs – y compris avec M. Cloutier – qui expliqueraient que Bernard Drainville s’y serait senti à l’étroit et aurait donc cherché une arène différente, celle des médias, pour retrouver sa liberté de parole. Loin d’avoir fait preuve de malveillance et de dénigrement à l’endroit du député du Parti québécois Bernard Drainville, comme l’affirme le plaignant, l’animatrice l’a plutôt, pour l’essentiel, présenté comme une victime épuisée après le long combat politique qu’il a mené pendant neuf ans.

Cela dit, je conçois très bien que deux éléments de cette entrevue aient pu convaincre M. Barberis du contraire. Je vais les examiner un à un.

D’abord, il y a cette question d’Anne-Marie Dussault que je reproduis une fois de plus ici – en entier – avant de la commenter :

« Mais M. Cloutier, il reste une chose, c’est que le dernier leadership a comme consacré vos divergences sur ce que plusieurs ont appelé la "charte à Drainville". Et lui, à certains moments, il se percevait comme peut-être même… je le dis entre guillemets, mais c’est peut-être ce qu’il pense, un raciste. Il s’est présenté comme un homme vidé. Est-ce que vos divergences n’annonçaient pas de futures divergences? Parce qu’il a dit : "J’aurais mis mon parti à risque si je restais." Il voulait avoir une liberté de parole. Au fond, c’est pas réglé pour le Québec, les questions de laïcité, puis c’est pas réglé au PQ non plus. »

Cette entrevue, faut-il le rappeler, est faite à chaud. Il ne s’agit pas d’un reportage dont le texte a été peaufiné par un journaliste, puis revu et approuvé par une équipe de collaborateurs. Anne-Marie Dussault ne lit pas mot à mot des questions écrites à l’avance, elle les pose en suivant l’évolution de son échange avec l’invité comme nous le faisons tous les jours dans une conversation. Or, il nous arrive tous que les mots se bousculent à la sortie ou manquent de précision. Cela est dans la nature de la conversation. Je crois que l’on doit ici examiner l’ensemble de la question d’Anne-Marie Dussault pour en comprendre le sens réel plutôt que de se concentrer sur un passage coupé de son contexte. En faisant cet exercice, on arrive à une conclusion différente de celle du plaignant; en fait, diamétralement opposée. Selon ma lecture de ses propos, l’animatrice dit ceci de Bernard Drainville :

« Il est un homme vidé par le débat qu’il a porté à bout de bras, celui de la charte des valeurs qui demeure une question controversée au sein même du PQ. Certains ont voulu lui en faire porter le blâme (en parlant de la "charte à Drainville"), allant jusqu’à lui donner l’impression qu’ils le considéraient comme un raciste. Puisque les divergences de points de vue sur cette affaire persistent, il a préféré partir plutôt que de devoir poursuivre une bataille interne qui mettrait le Parti québécois à risque de scission. »

Je soumets que c’est cette lecture qui permet de réconcilier logiquement les différents éléments de la question. On y voit qu’Anne-Marie Dussault fait ainsi preuve d’ouverture et de respect envers la démarche de Bernard Drainville et ne porte aucun jugement implicite ou explicite sur la charte des valeurs dont il s’est fait le défenseur. Elle fait plutôt référence aux reproches qui ont été formulés envers M. Drainville dans le cadre de ce débat, y compris dans le camp souverainiste.

Le deuxième élément qui a conduit M. Barberis à conclure en un « parti pris négatif et hostile » de l’animatrice envers Bernard Drainville est le passage où elle pose des questions sur la décision de ce dernier de quitter son poste à mi-mandat.

« Il ne voulait pas répéter ce qu’il a dit en 2012-2013. Bien sûr, il n’a pas d’indemnité de départ », dit Anne-Marie Dussault en préambule, avant d’ajouter qu’ « une autre élection partielle, ça coûte 500 000 $. Qu’est-ce que ça dit en termes de message sur le cynisme? Est-ce que ça ne vient pas confirmer encore une fois que, parfois, on choisit son bonheur à soi plutôt que l’intérêt public? »

Pour bien comprendre ce passage, il faut d’abord expliquer ici à quoi Anne-Marie Dussault faisait référence en parlant des propos tenus par Bernard Drainville « en 2012-2013 ». Je suis conscient que le plaignant a très bien saisi l’allusion puisqu’il en fait mention dans sa demande de révision. Cependant, pour le bénéfice des autres personnes moins familières avec les joutes politiques québécoises, je rappelle que Bernard Drainville, alors ministre des Institutions démocratiques, avait présenté en mars 2013 le projet de loi 33 visant à éliminer les primes versées aux députés qui démissionneraient en cours de mandat. À cette occasion, il avait déclaré :

« Un élu qui choisit de son plein gré de démissionner en cours de mandat ne respecte pas le contrat moral qu’il a pris avec ses électeurs. »

M. Drainville avait ajouté que son projet de loi représentait « un autre geste pour ramener de l’intégrité en politique » et qu’il poursuivait son travail « pour rétablir la confiance et combattre le cynisme ». En invitant les autres partis à l’Assemblée nationale à collaborer pour faire adopter rapidement ce projet de loi, il leur avait lancé cet appel :

« Nous avons l’occasion d’envoyer un message clair à la population que leurs députés ont l’intention de remplir leur mandat, que le vote des électeurs est significatif et qu’il sera respecté par chacun d’entre nous. »

Quand on sait que Bernard Drainville avait tenu ces propos trois ans plus tôt – qu’il avait lui-même présenté et défendu ce projet de loi pour, disait-il, combattre le cynisme des citoyens envers la classe politique – on ne peut imaginer qu’Anne-Marie Dussault ait pu ignorer cet aspect lors de l’entrevue. Par ses déclarations sur les députés qui brisent « le contrat social » avec les électeurs lorsqu’ils démissionnent en cours de mandat, Bernard Drainville s’exposait à ce que les médias (et la population) y voient une contradiction entre ses paroles et ses actions. Tous les autres médias que j’ai pu consulter ont aussi évoqué cet aspect dans le traitement de la nouvelle concernant la démission de Bernard Drainville.

M. Barberis l’admet lui-même indirectement en écrivant que « la lutte qu’a menée Drainville et qu’il a gagnée, c’est contre les primes de départ. (…) Il ne s’opposait pas à ce qu’un député quitte la politique pour des raisons de santé, des raisons de famille ou des raisons personnelles ».

C’est un fait que le projet de loi 33 qu’a présenté Bernard Drainville ne visait pas à interdire à un député de démissionner quand bon lui chante quelle qu’en soit la raison – le contraire serait impossible – mais sa philosophie générale était très claire : combattre le cynisme des électeurs en reconnaissant qu’« un élu qui choisit de plein gré de démissionner en cours de mandat ne respecte pas le contrat moral qu’il a pris avec ses électeurs », selon les mots de M. Drainville. Le communiqué de presse émis par le Parti québécois le jour de la présentation de ce projet de loi apporte un éclairage supplémentaire à cette proposition : « Il faut donner l’exemple si l’on veut ramener la confiance des Québécois à l’égard de la classe politique », y déclare Marjolain Dufour, le whip en chef du gouvernement, avant d’ajouter : « Si un candidat disait : "Il est bien possible que je me lasse de la politique et que je quitte mon siège avant la fin de mon mandat que vous allez me confier", je ne suis pas sûr que la population voterait très fort en sa faveur. »

Or, Bernard Drainville n’a évoqué aucune situation exceptionnelle ou urgente pour justifier sa démission en cours de mandat, du type de celles que son projet de loi reconnaissait comme légitimes, soit des raisons de santé ou familiales suffisamment graves pour que le commissaire à l’éthique et à la déontologie de l’Assemblée nationale considère qu’elles « l’empêchent de s’acquitter de ses fonctions ». Anne-Marie-Dussault était alors tout à fait justifiée d’inviter M. Cloutier à commenter l’idée que, « parfois, on choisit son bonheur à soi plutôt que l’intérêt public ».

CONCLUSION

L’entrevue menée par Anne-Marie Dussault avec le député du Parti québécois Alexandre Cloutier, le 14 juin 2016, à l’émission 24/60 sur ICI RDI, n’a pas enfreint les Normes et pratiques journalistiques de Radio-Canada.

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Version en version pdf.

Pour me joindre : ombudsman@radio-canada.ca

Twitter : @ombudsmanrc

 
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